THE SEVEN YEAR ITCH (SEPT ANS DE RÉFLEXION) de BILLY WILDER.

Cinéma 82, n° 279, mars 1982.

Dans tous les films signés Billy Wilder, sans qu’on ait eu le temps d’esquisser la moindre réaction, même dans les plus sérieux, un vent de folie cisaille l’écran et contraint le spectateur à regarder la réalité d’un oeil nouveau. Dans Sept ans de réflexion, ce vent, ce jaillissement délirant sont devenus la structure même du film.

L’histoire de ce film est des plus simples. De la pièce de George Axelrod, Billy Wilder et le même Axelrod ont su adapter un scénario d’une logique totalement cinématographique. Il y a trois parties. D’abord, la solitude : le départ de la famille à la gare, la chaleur épuisante, pour Richard Sherman les premiers fantasmes de « tombeur » de femmes. Ensuite, l’arrivée de la voisine : l’impossibilité pour Richard de la séduire, la parano de perdre sa femme, ses fantasmes redoublés à l’égard de sa ravissante voisine, cette dernière qui couche chez lui pour bénéficier de l’air conditionné. Enfin, la réalité : Richard part retrouver sa femme en vacances.

Et là, nous percevons nettement les dessous de l’art de Billy Wilder. Le malaise s’est estompé. La réalité n’est plus celle d’avant puisque Wilder parvient à la faire enfin éclore après un peu plus de cent minutes de délire fou et charmant. Richard Sherman est devenu lui-même. La démonstration est tellement limpide que tout ce que nous avons vu avant le happy end n’est qu’un jeu embrouillé pour nous prendre au plaisir du cinéma. À force de nous montrer son héros comme un être timide, incapable de prendre une décision et réfugié dans ses rêves, nous sommes certains qu’il est le plus normal des hommes. Car voilà ce qui fait la force et le talent de Wilder. Il cherche le dérèglement à tout prix parce que, chez lui, le dérèglement est un jeu, et que, derrière ce jeu, il faut, également à tout prix, retourner à une vérité fondamentale. Il cherche le délire derrière le réalisme parce que c’est pour lui le seul moyen de retrouver le vrai visage du réalisme derrière celui du délire.

Et Marilyn ?

Marilyn, c’est simple. Quand on la voit de loin, en plan général, d’un coup tous les regards se dirigent dans sa direction. En plan américain, les voix surgissent et on entend des « ah » et des « oh ». En gros plan, l’évanouissement guette. Dans Sept ans de réflexion, Wilder approche sa caméra à quelques dizaines de centimètres de Marilyn, puis se met à la filmer. Et ces plans-là sont irrésistibles. Voilà pourquoi, à chaque gros plan de Marilyn, on a l’impression que Wilder lave son écran de toutes les saletés accumulées par des kilomètres de pellicule. Il semble qu’il recherche et trouve la pureté derrière la beauté. En d’autres termes, disons que Wilder nous démontre que la folie est nécessaire à la vie si on la considère comme un moyen de rêve. Et Sept ans de réflexion en est la meilleure preuve.

Gérard Courant.

 


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